Richard Fung

Vidéaste, professeur, conservateur, militant. Durant environ deux décennies, Richard Fung, né à Trinidad et formé à l’OCAD, a été l’une figure de proue de l’art vidéo canadien (lauréat du prix Bell Canada en art vidéo en 2000). Ses œuvres oscillent entre plusieurs modes : autobiographique (The Way to My Father’s Village, 1988), narratif (Dirty Laundry, 1996), documentaire militant (Orientations, 1984) et érotique (Steam Clean, 1990). Aucun autre artiste n’a étudié le point d’intersection entre les identités raciales/ethniques et sexuelles d’une manière aussi honnête et fructueuse –et ouverte– que cet artiste visionnaire, militant et communautaire. Chinese Characters (1986), un essai pionnier de Fung sur la représentation sexuelle et les identités queer asiatiques, a été acheté par le musée des beaux-arts du Canada. Il fut accueilli par un tollé homophobe et raciste durant son exposition en 1988, un brouhaha dénigrant les médias et le parlement, mais qui eut l’effet opposé puisque l’on donna raison au rôle central de Fung au sein du milieu artistique canadien.

Le meilleur était sans doute à venir : Sea in the Blood (2000, 26), réalisé par Fung douze ans plus tard et construit à partir d’enregistrements autobiographiques, est pour plusieurs raisons son œuvre la plus révélatrice et la plus réussie au niveau esthétique. La plupart des ingrédients intertextuels déjà testés ailleurs s’y retrouvent, allant des films amateurs aux titres textuels, en passant par les entrevues et l’appropriation de matériel « trouvé ». Mais, on note aussi la présence d’un lyrisme visuel intensifié qui remonte à la surface de l’enregistrement comme des bulles roses sous l’eau, enjolivant le voyage de l’artiste à travers les maladies potentiellement mortelles : d’abord sa sœur Nan, décédée, puis Tim, son amant, une PVAS tenace. L’identité sexuelle intervient, bien entendu, mais totalement sans conséquence pour le réseau des amours conjugaux et familiaux au sein de cette œuvre délicieusement mature et profondément touchante.

Fung a enseigné à la California Institute of the Arts, à l’Université d’État de New York à Buffalo, à l’OISE et dernièrement à l’OCAD.