Réalisatrice. La plus notable parmi les réalisatrices de longs-métrages lesbiennes du Canada anglais, les racines calvinistes néerlandaises de l’Ontario du sud-ouest de Rozema colorèrent le contexte répressif où l'héroïne mariée de When Night is Falling (1995) découvre son attirance pour les femmes. Éduquée à travers le théâtre universitaire et sur les plateaux de tournage de productions américaines, le premier court-métrage de Rozema, une œuvre intitulée Passion: A Letter in 16mm (1985, 28) – un narratif de rupture amoureuse à la première personne – fut très flou dans son usage de pronoms genrés; Rozema allait attendre jusqu’en 1999 avant de s’afficher publiquement. Son ambiguité s’estompa à peine dans son premier métrage I’ve Heard the Mermaids Singing (1987, 81) – un succès au box-office international qui assura la présence de son nom dans le canon canadien – la fable postmoderne et fantaisiste d’une secrétaire torontoise rêvant d’art, de romance, d’identité et de vol. Ce premier long-métrage à petit budget d’une réalisatrice inconnue fut un succès canadien inattendu des années 1980 autant auprès des critiques qu’au box-office, surtout dans sa capacité de film lesbien le plus explicite et acclamé dans le milieu anglophone jusqu’à présent.
L'héroïne Polly, jouée par Sheila McCarthy – une génie humoristique taquine et charismatique sensible aux problématiques queer – développe un béguin pour sa patronne lesbienne et s’exprime à travers ses songes de pique-niques victoriens au féminin ainsi que sa lentille de caméra. Bien que le film fut bien accueilli par les médias queer, sa nature ambiguë engendra une certaine controverse : le magazine The Advocate souligna le « laissez-faire lesbien » de Mermaids ainsi que son traitement « banal et ordinaire » de la chose alors que l’hebdomadaire plus politisé Gay Community News fut « offusqué » par l’insistance de la réalisatrice que le film n’en était pas un de saphisme ou de lesbiennes (sept. 1987). Malgré ses quelques faux pas de journal vidéo typiques des années 1980, Mermaids est toujours d’actualité deux décennies plus tard et maintient son titre de film marquant dans le cinéma queer canadien. Rozema coréalisa le film avec Alex Raffé, avec qui elle allait poursuivre une collaboration artistique fertile.

When Night is Falling (Toronto, 1995, 93) fut un autre succès retentissant; le mélodrame de sortie du placard fut un favori des festivals queer à l’international. Applaudie par les critiques de renom comme les audiences queer après un succès retentissant au box-office du cinéma d’art, la romance torride de Rozema entre une professeure de théologie et une acrobate de cirque offre tout ce qu’un public peut désirer : des vedettes (Pascale Bussières, Rachael Crawford et Henry Czerny offrent tous de superbes performances), une sortie du placard, une thématique raciale (sans être explorée en profondeur) et même une forme d’érotisme hétéro entre Bussières et son éventuel ex-fiancé qui est presque aussi électrisante que la légendaire romance principale de même sexe du film. Le magazine Xtra! exprima que « le refus de Rozema de démoniser l’homme blanc hétérosexuel dérangera ceux qui préfèrent un spectre politique plus simple » (28 avril 1995).
Le triangle calviniste torturé et le réalisme magique (de la buanderie jusqu’au chapiteau, sans oublier le chiot congelé qui revient à la vie lorsque l’amour renaît!) de Rozema ne furent pas appréciés de tous, mais l’ensemble des éléments se marient si bien que la séduction fut presque universelle. La publication The Lesbian Film Guide affirma avec enthousiasme :

« Superbe, captivant, tendre, souvent amusant et fréquemment enchantant... tel un poème lyrique, profondément ressenti et écrit à perfection. Des couleurs riches et vibrantes et des images romantiques – des femmes nues nageant dans une eau bleu claire – une poudrée de neige, une demi-lune et la nuit toujours à portée de main... un film immanquable. »

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Peut-on décrire film lesbien Desert Hearts de la même manière ? Après Night, Rozema réalisa une adaptation à gros budget de Jane Austen (Mansfield Park, 1999) et une multitude de courts-métrages tournés à Toronto, dont un segment narratif à la première personne pour le documentaire de Nik Sheehan Symposium: Ladder of Love (1996).

(1) Darren, Alison. 2000. Lesbian Film Guide. London: Cassell. 219.